DU LIVRE OUVERT A LA SYNAGOGUE... AU LIVRE OUVERT A LA MAISON
« Jésus vint à Nazareth où il avait été élevé.
Il entra, selon sa coutume le jour du sabbat, dans la synagogue,
et se leva pour faire la lecture.
On lui présenta le livre du prophète Isaïe
et, déroulant le livre, il trouva le passage où il est écrit : L’Esprit du Seigneur est sur moi... (Is 61, 1-2).
Il replia le livre, le rendit au servant et s’assit.
Tous dans la synagogue avaient les yeux fixés sur lui.
Alors il se mit à leur dire : Aujourd’hui s’accomplit à vos oreilles ce passage de l’Ecriture.
Et tous lui rendaient témoignage et étaient en admiration
devant les paroles pleines de grâce qui sortaient de sa bouche. » (Marc 4, 16-22)
Cette « mise en scène » décrite en détail par l’évangéliste Marc, est liturgique. On y est... On voit faire Jésus... on le suit à la synagogue dans ses gestes : prendre le livre, le dérouler, le replier, le rendre. On sait ce qu’il lit, on le voit, on l’écoute... Telle est la Liturgie de la Parole de nos frères Juifs à la synagogue, comme chez nous les chrétiens à l’église ou au temple. C’est la même « mise en scène » : un chrétien quitte sa place, se lève, monte à l’ambon, ouvre le lectionnaire, lit un texte biblique, referme le livre, retourne à sa place et s’assied.
N’y a-t-il pas aussi une « mise en scène » semblable quand nous venons à la bibliothèque emprunter un livre : on quitte son « chez soi », on vient à la bibliothèque, on cherche et on choisit un livre. Puis on s’installe chez soi pour lire. Il y a quelque chose de liturgique au sens étymologique : une action (urgie) accomplie par chacun de nous.
Réfléchissez un instant : ce n’est pas rien de prendre un livre, de l’ouvrir, de le lire, puis de le refermer... Pensez à l’importance de « lire » et du « livre » – du choix et de la lecture que vous en faites, page après page, « déroulant » comme un rouleau de la Torah une histoire qui n’est pas vôtre mais que vous recevez et qui vous rejoint « aujourd’hui », qui vous parle, qui entre dans votre vie, votre imaginaire, votre intelligence. Puis, comme Jésus, vous refermez le livre, vous le rangez, avant de vous « asseoir » intérieurement puis réfléchir, méditer à partir d’une histoire qui ne peut vous laisser indifférent, avec « des paroles pleines de grâce qui sortent » de la plume d’un auteur que vous découvrez ou connaissez. Puis vous le ramenez à la bibliothèque pour que d’autres en profitent. Et s’il vous vient l’idée d’en parler autour de vous, vous convaincrez peut-être vos amis à le lire à leur tour, avec la même curiosité et peut-être la même « admiration ». De là, la transmission, le passage, la coutume qui s’installe... jusqu’à réaliser que « l’Esprit du Seigneur est sur vous » !
Ne manquez pas ce rendez-vous dans votre « Nazareth », là où vous vivez, là où vous avez été élevé, où vous avez grandi, et selon la coutume, entrez dans votre « synagogue-église intérieure » et lisez. Le 17 juillet dernier, la pape François a écrit une Lettre sur le rôle de la littérature où il parle « de l’importance de la lecture de romans et de poèmes dans le parcours de maturation personnelle ». Et il ajoute : « Dans la lecture, le lecteur s’enrichit de ce qu’il reçoit de l’auteur, mais cela lui permet en même temps de faire fleurir la richesse de sa propre personne, de sorte que chaque nouvelle œuvre qu’il lit renouvelle et élargit son univers personnel. » Jésus ne s’est-il pas enrichi lui-même en lisant le prophète Isaïe, au moment même où commençait sa mission ?
Père Jean PHILIBERT